Premier Jour


Fifth Ward

Arrivée à Houston, un retour au fifth ward s'impose. Pour rappel, c'est ici que se trouvait la plus importante communauté créole de la bayou city. Plus précisément à french town, une série de quelques blocs le long de l'imposante highway 59. C'est un des quartiers les plus pauvres de Houston.

En parcourant les rues j'ai l'impression que la situation a empiré. Nous passons devant plusieurs clubs et nous arrêtons au Silver Slipper sur Crane Street. Il y a douze ans c'était le plus vieux club de zydeco en activité, tenu depuis des années par la famille Cormier. Dans les années 50 Clifton Chenier et Lightnin' Hopkins y jouaient régulièrement. Aujourd'hui il semble complètement à l'abandon.

Nous nous rendons ensuite sur Collingsworth Street et constatons la disparition d'un autre club légendaire. Le Continental Ballroom a été rasé au profit d'un supermarché.

Dernière étape, Our Mother of Mercy, l'église catholique. Elle est toujours bien présente mais l'école à son côté est fermée. C'est ici que le pianiste de jazz Joe Sample y a passé sa scolarité. J'apprendrais plus tard que l'établissement a définitivement cessé ses activités en 2009. Depuis des années ses membres luttaient pour lever des fonds et maintenir un enseignement dans le quartier.   

Plus tard encore, en regardant sur internet, mes impressions sur le fifth ward se confirmeront. Le bloody fifth, comme on le surnomme, est aujourd'hui complètement abandonné par la municipalité. Les infrastructures ne sont plus entretenues : l'eau et l’électricité ne sont plus acheminés à certains endroits. Comme le souligne un des responsables politiques : "Le fifth ward s'est vidé de ses emplois. Il n'y a plus aucun commerce. Il n'y plus aucun endroit où les jeunes peuvent avoir un travail".  

Il me revient une phrase de l'écrivain James Lee Burke  (je cite de mémoire) : "ici vous n'êtes pas au Sud des Etats Unis, vous êtes au Nord du Nicaragua". 

Downtown

Après le fifth ward, visite du downtown de Houston, le quartier des affaires. Un vrai contraste! En vérité il n'y a pas grand chose d'intéressant à voir . Les tours, les bâtiments administratifs et les centres commerciaux se succèdent. Un passage devant le Minute Maid, l'immense stade consacré aux Astros, l'équipe de baseball, et un tour du côté de l'ancien china town, complètement à l'abandon.

Nous allons aussi jeter un coup d’œil à la Bayou Buffalo River. Deux jours avant notre arrivée Houston a connu la plus importante inondation depuis ces dix dernières années. Un bon quart de la ville était sous l'eau. Imaginer à Paris tout le boulevard périphérique qui se  transforme en rivière. La Bayou Buffalo est revenue à son niveau normal mais tout autour les berges et la végétation témoignent de la violence de la crue. 

Direction le Sud du downtown pour un restaurant réputé. Le Zydeco Louisiana  Dinner. L'endroit ne paye pas de mine et sert de cantine aux employés du coin. On prend son plateau et on indique à l'employé ce qu'on veut dans son assiette. Pas de grande carte mais trois plats principaux, trois légumes aux choix et deux féculents. Pour ma part ce sera riz et saumon créole, ocra et purée de pomme de terre, pain de maïs et un gros gâteau au chocolat. Mon compagnon prendra gumbo, crawfish etoufee, riz, purée, pain de maïs et bread pudding. Excellent !. Dans le fond du restaurant j'en profite pour repérer une photo de Rockin' Dopsie Bien rassasiés nous nous rendons au premier concert de notre voyage.

Keyun & the Zydeco Masters

Direction le Nord de Houston, non loin de l'aéroport Georges Bush. Le concert a lieu sur un parking et est organisé par une clinique spécialisée en gériatrie et désintoxication. Un peu à l'écart le personnel prépare le repas dans un bidon en fer coupé en deux. Ce sera barbecue. Le groupe est déjà présent et installe le matériel. L'occasion de rencontrer Arthur Ti Putt Carter, le frotteur du groupe. Il était venu à Lyon  il y a un dizaine d'année lors de la première tournée de Corey Ledet. L'occasion de lui montrer quelques photos du concert qu'il fît à cette époque.

Ti Put me présente le bassiste du groupe qui me demande dans un français parfait de quel coin je viens. Alors que je lui répond Paris il insiste pour connaitre  l'arrondissement. Et lorsque je lui dis que je suis du val de marne il me demande : " vers Anthony "? En fait il a vécu de nombreuses années en Ile de France. Depuis qu'Il s'est installé à Houston il joue professionnellement toutes sortes de styles : blues, rhythm and blues, zydeco, jazz... A la question : quelle musique aimez-vous jouer le plus ?, il répond : " celle qui me rapporte le plus d'argent". Et d'ajouter : "le zydeco me rapporte d'avantage que le blues. Comme la demande est importante, cela m'assure des revenus réguliers". et d'énoncer quelques vérités supplémentaires : " en tant qu’européen vous en savez d'avantage sur cette musique que la majorité des gens ici, y compris les créoles". " Le zydeco est une musique simple. C'est pour ça qu'elle est très compliqué à jouer. Il faut y mettre beaucoup de cœur". 

Alors que nous retournons nous installer pour profiter du concert un autre homme nous aborde. Il s'agit de Raa Raa, un accordéoniste, également prêtre de l'église catholique. C'est un homme très élégant et bien éduqué. Quelques années auparavant il avait reçu un copie du magazine Soul Bag avec sa photo en tête d'article. Un article consacré justement au rôle des églises dans la promotion du zydeco. Après discussion il nous invite à venir le voir en concert dimanche au Big Easy & Social Club. Avec cette promesse : "venez, c'est un concert à ne pas rater. Vous ne serez pas déçu "!

Entre temps les infirmières ont installé leurs patients devant les musiciens. Allant du barbecue aux différentes tables elles assurent le service. Dans de grands plats en aluminium elles distribuent gracieusement morceaux de poulets et saucisses. Arriverons ensuite les écrevisses bouillies. Nous regrettons presque d'avoir déjà mangé avant au Louisiana Dinner. Le concert commence et Keyun enchaîne les morceaux : zydeco boogaloo, Hold that Tiger... Peu de danseurs, la majorité du public étant en fauteuil roulant, mais une ambiance détendue et bonne enfant. Derrière Keyun le guitariste Mark Anthony Sellers assure une rythmique impeccable. Après plus de deux heures de concerts le groupe termine avec un remarquable Shake what your mama gave you. 


Un des buts de notre voyage était de pouvoir assister à un trail ride. Après le concert de Keyun nous sommes donc partis plus au Nord, direction la petite ville de Montgomery. Au programme, Jerome Batiste. Mais arrivé sur place un des organisateurs nous annonce que le concert est annulé. Dommage. Nous nous rattraperons les prochains jours.