Roy Carrier : Living Lawtell
Roy Carrier : Living Lawtell !
Roy appartient à la vieille génération du zydeco, celle des Boozoo Chavis, John Delafose… Ceux qui ont toujours refusé de quitter les Etats-Unis et se sont rarement éloignés de leur Louisiane natale. Roy est l’exception qui confirme la règle, sillonnant sans relâche les routes, de New York à Philadelphie, de San Francisco à Washington D.C. Il vint même en Europe une première fois en 1999 dans le cadre du festival hollandais de Raamsdonksveer. Il est étonnant qu’un tel talent soit encore tant méconnu. Son importance dans le zydeco est loin d’être négligeable et se situe à plusieurs niveaux. Comme musicien il a développé un style d’accordéon original et unique. Comme propriétaire de club il a joué un rôle important dans l’émergence du nouveau zydeco. Comme chef de famille enfin, il perpétue une tradition qu’il a transmise à ses fils et neveux.
Roy Carrier est né le 11 février 1947 entre Opelousas et Lawtell et a grandit dans un environnement musical au rythme des bals de maison. Dés 6 ans il accompagne au frottoir son oncle, le grand violoniste Bébé Carrière, qui dirige une des formations les plus appréciées du moment, les Carrière Brothers. Son père, Warren Carrier, joue sur un accordéon acheté au légendaire cajun Nathan Abshire. Lorsqu’il est absent Roy en profite pour s’exercer sur l’instrument. C’est comme guitariste qu’il intègre à 14 ans son premier groupe, les Nightrockers. L’orchestre est dirigé par l’accordéoniste Chris Johnson et comprend un de ses frères, Murphy, à la batterie. Lorsque Johnson quitte la formation Roy en prends naturellement la tète. Roy puise son inspiration chez ses voisins Boozoo Chavis et John Delafose et est aussi très marqué par le jeu du cajun Aldus Roger qu’il écoute régulièrement à la radio. Cependant, l’influence majeure de Roy reste son cousin Clifton Chenier dont il reprend une bonne partie du répertoire. Sûrement aurait-il adopté l’accordéon piano si le destin n’en avait décidé autrement. A 16 ans, alors qu’il travaille sur une machine agricole, il se coupe l’index de la main droite. Paradoxalement ce handicap devient une force. Il opte pour l’accordéon diatonique à trois rangées sur lequel il développe un style unique, hautement rythmique, immédiatement reconnaissable. Le début des années 70 marque un tournant dans la vie du musicien. Pour la première fois il rencontre son futur producteur, le cajun Lee Lavergne, propriétaire d’une épicerie et d’un studio d’enregistrement à Church Point. Il quitte son travail à la ferme et trouve un emploi sur une plate-forme pétrolière, ce qui lui permet de ne travailler qu’une semaine sur deux. Ce temps libre lui fournit l’occasion pendant 15 ans de jouer dans les salles de danses et les trail rides, puis l’amène naturellement en 1981 à fonder son propre club, le Offshore Lounge. L’établissement situé à Lawtell finit par connaître une réputation enviable, notamment pour ses soirées du jeudi soir à deux dollars, permettant à des artistes débutants comme Beau Jocque ou Keith Frank de se produire en public. En 1987 Roy a enfin la possibilité d’enregistrer un premier 45 tours pour Lavergne et sa marque Lanor. La face A, Dancing Shoes, est un morceau de Robbie Robinson, le futur bassiste de Zydeco Force. Mais c’est bien la face B de Roy Carrier, I Found My Woman (Doing The Zydeco), qui connaît un beau succès dans la région. Dès lors Roy multiplie les enregistrements. La mort inopinée de Lee Lavergne en 1996 aurait pu mettre un terme à sa carrière comme ce fut le cas pour Joe Walker, l’autre vedette du label Lanor. Mais entre temps Roy a pu établir des liens solides sur Washington D.C, ce qui lui a permit de rebondir et de continuer à enregistrer. Les disques sortis à partir de ce moment sont d’un niveau encore supérieur : Nasty Girls est enregistré en public et capture en partie l’énergie de Roy et de son groupe malgré une prise de son médiocre ; Offshore Blues & Zydeco est son effort le plus blues avec de nombreuses reprises de Clifton Chenier ; Twist & Shout et Whiskey Drinkin’ Man sont enregistrés moitié en public, moitié en studio, et sont indispensables.
Aujourd’hui Roy Carrier est considéré par les amateurs et par la jeune génération montante du zydeco comme une légende vivante. Mais pour Roy, sa plus grande fierté est peut-être aujourd’hui d’avoir su transmettre son amour de la musique au reste de sa famille. Ses deux fils, Chubby et Troy (Dikki Du), dirigent maintenant leurs propres formations. Ses cousins et neveux pratiquent tous un ou plusieurs instruments : John et Kevin (rubboard), Ronald (basse) et Dwight (accordéon), qui fut lui aussi un temps à la tête de son propre orchestre, les Zydeco Ro’ Dogs. Et tout récemment on a pu voir son petit-fils, Troy Jr (10 ans), sur le disque du jeune Corey Young.
Discographie sélective :
Zydeco Strokin’, Paula(faces lanor)
Offshore Blues & Zydeco, Chubby Dragon
Nasty Girls, Right On Rhythm
Twist & Shout, Right On Rhythm
Whiskey Drinkin’ Man, Right On Rhythm